"Sachons être suspect..."
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"Sachons être suspect..."
« Sachons être suspect. C’est le signe, aujourd’hui, d’un esprit libre et indépendant, surtout en milieu intellectuel. Il faut, en effet, choisir entre la flatterie de l’idéologie dominante et la suspicion dont les parangons de cette idéologie accablent ceux qui refusent de se plier à la nouvelle mode. Vous n’êtes pas satisfait de l’explication jargonnante par la lutte des classes, l’aliénation et la distinction entre la structure et la superstructure : eh bien ! Vous n’êtes qu’un petit esprit ! On vous fera grief de vos analyses les mieux fondées même si vous indiquez clairement leurs limites, et l’on essaiera de démontrer qu’elles ont une source idéologique souterraine, dont vous n’avez pas conscience ou dont vous ne voulez pas prendre conscience, par conséquent que vous êtes le jouet de déterminations sociales de classe ou bien un être de mauvaise foi qui renonce à reconnaître ces déterminations. De la suspicion à la culpabilité il n’y a qu’un pas, vite franchi, surtout quand l’accusation se fait au nom des bons sentiments de la conscience dite mondiale.
L’institution de la censure est certes supprimée dans nos pays, mais les censeurs subsistent et l’hypocrisie aussi. Pour obtenir les faveurs des chapelles, proclamez à tort et à travers votre attachement à la cause de la paix et manifestez hautement votre horreur de la guerre, en prenant soin au moment d’un conflit de ne pas examiner les choses de près. Au contraire prenez immédiatement parti pour le camp désigné à l’avance comme le porteur du sens de l’histoire et considérez-le sans autre forme de procès comme le partisan de la paix, même s’il a pris l’initiative de l’agression et s’il déclare ouvertement mener une guerre révolutionnaire. La dialectique est suffisamment ingénieuse pour confirmer votre choix après coup en découvrant les raisons souterraines de la guerre et en démasquant les véritables fauteurs : la guerre révolutionnaire est une « guerre pour la paix »! »
Julien Freund, préface à Carl Schmitt : « la notion de politique »
L’institution de la censure est certes supprimée dans nos pays, mais les censeurs subsistent et l’hypocrisie aussi. Pour obtenir les faveurs des chapelles, proclamez à tort et à travers votre attachement à la cause de la paix et manifestez hautement votre horreur de la guerre, en prenant soin au moment d’un conflit de ne pas examiner les choses de près. Au contraire prenez immédiatement parti pour le camp désigné à l’avance comme le porteur du sens de l’histoire et considérez-le sans autre forme de procès comme le partisan de la paix, même s’il a pris l’initiative de l’agression et s’il déclare ouvertement mener une guerre révolutionnaire. La dialectique est suffisamment ingénieuse pour confirmer votre choix après coup en découvrant les raisons souterraines de la guerre et en démasquant les véritables fauteurs : la guerre révolutionnaire est une « guerre pour la paix »! »
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