Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
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Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
LA TOUR DE BABEL
Par Camille Rameau
Début janvier 2010, le souverain de Dubaï a inauguré dans le faste ce qu’il appelle pompeusement «le plus haut bâtiment jamais construit par la main de l’homme », à savoir Burj Khelifa, la tour la plus haute du monde : 828 mètres de vanité s’élevant orgueilleusement au dessus du désert. Cela a comme un parfum de tour de Babel, non ? Si, si : rappelez vous la Genèse : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons nous un nom et ne soyons pas dispersés ! ». Notons simplement que nos très saintes écritures ne tolèrent pas toutes les fantaisies architecturales. Hegel prétend que tous les grands faits historiques adviennent deux fois. Dans le 18 Brumaire, Marx rajoute : « la première fois comme tragédie, la seconde comme farce ». Tragique, le récit mythique de Babel nous délivre de la fatalité de nos penchants par une parole libératrice. Farcesque, l’érection de la tour de Dubaï nous demande de nous esbaudir devant la manifestation naïve des instincts les plus bas.
S’il s’agit bien là d’une farce, encore faut-il qu’elle soit drôle… De ce point de vue, le pari semble réussi. En effet, la symbolique obligatoirement phallique de cette tour nous donne l’occasion de faire la généalogie des principes qui ont commandé son érection : les grands mots de relance économique, de prouesse technique qui entourent avec un pesant sérieux cet événement semblent travestir la pantalonnade d’instincts assez primitifs. La course au progrès et à la puissance serait le raffinement civilisateur de la course à celui qui aura le plus gros machin. Nous pouvons donc caricaturer la logique dubaïote de la manière suivante : certes, nous sommes endettés à hauteur de 80 milliards de dollars mais … c’est nous qu’on a la plus grosse !
L’olympisme décalé dont témoigne la symbolique phallique de cette construction devient nettement moins drôle lorsqu’on comprend la chose dans son aspect totémique. La très hiératique verticalité dessinée par la tour exprime la volonté de diviniser des valeurs qui président à sa construction. Le libéralisme a d’abord soumis le politique à l’économique : c’est le moment de l’argent roi. Désormais, la puissance et le triomphe du système capitaliste se manifestent à travers les signes de la transcendance et du sacré : c’est le temps de l’argent dieu. L’ouvrier indien et la religion sont les deux principales victimes immolées tour à tour physiquement ou symboliquement sur cet autel où le vrai dieu manque. Le fait est que tout le monde semble se féliciter que Dubaï déshonore l’Islam. Est-ce véritablement un progrès de voir une religion remplacée par une idolâtrie mal dégrossie ? Musulmans et chrétiens ont cela en commun qu’ils ne peuvent vivre sous un totem qui n’est pas le leur.
L’homme, disait le profond Nietzsche, est un animal qui vénère. Or l’esprit du temps nous amène à méditer sur l’objet de notre vénération car tout ne se vaut pas en cette délicate matière. A preuve : la veille de cette inauguration nous fêtions l’épiphanie, accompagnant discrètement les rois mages agenouillés devant la très humble manifestation de notre Sauveur. Le lendemain se manifestait dans le luxe et le faste une nouvelle Babel totémique. Seulement voilà, une tour, ça doit bien s’écrouler un jour… Si vraiment l’histoire se répète comme une farce, on peut espérer une chute digne de la Fontaine, comme dans la morale de la Grenouille et le Bœuf : « elle enfla si bien qu’elle creva ». Mais si la grenouille ne crève pas d’elle même dans sa propre boursouflure, il faudra bien l’aider : c’est là qu’il faut prendre son marteau et précipiter le Crépuscule des Idoles.
Par Camille Rameau
Début janvier 2010, le souverain de Dubaï a inauguré dans le faste ce qu’il appelle pompeusement «le plus haut bâtiment jamais construit par la main de l’homme », à savoir Burj Khelifa, la tour la plus haute du monde : 828 mètres de vanité s’élevant orgueilleusement au dessus du désert. Cela a comme un parfum de tour de Babel, non ? Si, si : rappelez vous la Genèse : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons nous un nom et ne soyons pas dispersés ! ». Notons simplement que nos très saintes écritures ne tolèrent pas toutes les fantaisies architecturales. Hegel prétend que tous les grands faits historiques adviennent deux fois. Dans le 18 Brumaire, Marx rajoute : « la première fois comme tragédie, la seconde comme farce ». Tragique, le récit mythique de Babel nous délivre de la fatalité de nos penchants par une parole libératrice. Farcesque, l’érection de la tour de Dubaï nous demande de nous esbaudir devant la manifestation naïve des instincts les plus bas.
S’il s’agit bien là d’une farce, encore faut-il qu’elle soit drôle… De ce point de vue, le pari semble réussi. En effet, la symbolique obligatoirement phallique de cette tour nous donne l’occasion de faire la généalogie des principes qui ont commandé son érection : les grands mots de relance économique, de prouesse technique qui entourent avec un pesant sérieux cet événement semblent travestir la pantalonnade d’instincts assez primitifs. La course au progrès et à la puissance serait le raffinement civilisateur de la course à celui qui aura le plus gros machin. Nous pouvons donc caricaturer la logique dubaïote de la manière suivante : certes, nous sommes endettés à hauteur de 80 milliards de dollars mais … c’est nous qu’on a la plus grosse !
L’olympisme décalé dont témoigne la symbolique phallique de cette construction devient nettement moins drôle lorsqu’on comprend la chose dans son aspect totémique. La très hiératique verticalité dessinée par la tour exprime la volonté de diviniser des valeurs qui président à sa construction. Le libéralisme a d’abord soumis le politique à l’économique : c’est le moment de l’argent roi. Désormais, la puissance et le triomphe du système capitaliste se manifestent à travers les signes de la transcendance et du sacré : c’est le temps de l’argent dieu. L’ouvrier indien et la religion sont les deux principales victimes immolées tour à tour physiquement ou symboliquement sur cet autel où le vrai dieu manque. Le fait est que tout le monde semble se féliciter que Dubaï déshonore l’Islam. Est-ce véritablement un progrès de voir une religion remplacée par une idolâtrie mal dégrossie ? Musulmans et chrétiens ont cela en commun qu’ils ne peuvent vivre sous un totem qui n’est pas le leur.
L’homme, disait le profond Nietzsche, est un animal qui vénère. Or l’esprit du temps nous amène à méditer sur l’objet de notre vénération car tout ne se vaut pas en cette délicate matière. A preuve : la veille de cette inauguration nous fêtions l’épiphanie, accompagnant discrètement les rois mages agenouillés devant la très humble manifestation de notre Sauveur. Le lendemain se manifestait dans le luxe et le faste une nouvelle Babel totémique. Seulement voilà, une tour, ça doit bien s’écrouler un jour… Si vraiment l’histoire se répète comme une farce, on peut espérer une chute digne de la Fontaine, comme dans la morale de la Grenouille et le Bœuf : « elle enfla si bien qu’elle creva ». Mais si la grenouille ne crève pas d’elle même dans sa propre boursouflure, il faudra bien l’aider : c’est là qu’il faut prendre son marteau et précipiter le Crépuscule des Idoles.
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
le vrai dieu manque
L'argent comme le Chist, Allah ou Yahvé sont destinés à contrôlés le peuple, hier on faisait travailler l'homme en le stimulant avec diverses actions mystiques (paradis, enfer, valeurs dites chrétiennes, musulmanes ...) aujourd'hui on le maîtrise par l'argent dette, par le vol de la production du travailleur au moyen de la monnaie. En théorie ça change mais en pratique c'est toujours le même but et les mêmes mécanismes: on enferme le peuple dans une logique, hier " Tu croit pas en dieu, mais tu est fou ", aujourd'hui " Tu ne croit pas en l'argent, mais tu est fou ! "
Itt- Messages : 677
Date d'inscription : 12/03/2010
Localisation : Mur des lamentations
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
J'suis d'accord avec ce que viens de dire Itt.
Finalement, la consommation est simplement la nouvelle religion à la mode. Avant on avait des gens aliénés, maintenant on en a encore davantage. Mais la différence, c'est que la consommation est beaucoup plus dévastatrice que la simple croyance religieuse ..
Finalement, la consommation est simplement la nouvelle religion à la mode. Avant on avait des gens aliénés, maintenant on en a encore davantage. Mais la différence, c'est que la consommation est beaucoup plus dévastatrice que la simple croyance religieuse ..
Troska- Messages : 791
Date d'inscription : 05/03/2010
Age : 32
Localisation : Alsace
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
La religion avait pour qualité d'aliéné collectivement les gens. J'entends par collectivement, de les solidariser autour de règles et de concepts abstraits, l'individu n'existant pas dans les sociétés chrétiennes. La religion était le socle d'un même ensemble social.
La consommation quant à elle encense l'individu dans ce qu'il a de plus sale. Les autres ne sont que des concurrents dans sa quête d'abondance et de jouissance.
La consommation quant à elle encense l'individu dans ce qu'il a de plus sale. Les autres ne sont que des concurrents dans sa quête d'abondance et de jouissance.
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
'individu n'existant pas dans les sociétés chrétiennes
Si puisse que dieu existe.
La consommation quant à elle encense l'individu dans ce qu'il a de plus sale. Les autres ne sont que des concurrents dans sa quête d'abondance et de jouissance.
Tout à fait d'accord mais est-ce que l' aliénation collective servait un meilleur but ? D'ailleurs qu'elle était le but de cette aliénation collective si ce n'était de mobiliser des forces pour faire la fortune des aristocrates voire des religieux en construisant palais, empires, monuments, ornements ? Le plus gros reproche que j'ai à faire à cette société de consommation c'est qu'elle érige la consommation comme acte ultime, le bonheur par la consommation, aucune autre alternative, pas de réflexion, et on retrouve le même principe dans la religion, le bonheur par la croyance, pas de réflexion non plus. L'humanité ne devrait t-elle pas s' élevé par la réflexion de chacun et pas uniquement d'une élite qui comprend et contrôle la politique générale (qu'elle soit religieuse ou consumériste) ?
Itt- Messages : 677
Date d'inscription : 12/03/2010
Localisation : Mur des lamentations
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
La religion nie l'individu, c'est pas une nouveauté Itt.
Troska- Messages : 791
Date d'inscription : 05/03/2010
Age : 32
Localisation : Alsace
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
l'anarchie est une religion.
B14- Messages : 1173
Date d'inscription : 08/03/2010
Re: Babel et le capitalisme : "C'est nous qu'on a la plus grosse"
Je dirais plutôt : Un peu d'anarchie mène à la religion, beaucoup de religions vont revenir à l'anarchie.
Nous on a pas de dogme, on a pas besoin de se trimballer en uniforme pour montrer qu'on a la plus grosse.
Nous on a pas de dogme, on a pas besoin de se trimballer en uniforme pour montrer qu'on a la plus grosse.
Troska- Messages : 791
Date d'inscription : 05/03/2010
Age : 32
Localisation : Alsace
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