A qui bénéficie exclusivement la zone euro ?

[Baptiste]

Pour sauver la zone euro, il faut que l’Allemagne la quitte

Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. L'Allemagne profite de l'euro pour acheter pas cher à l'extérieur, et revendre cher dans la zone euro. Cela représente 45% de ses exportations et pénalise les autres pays, dont la France. Comment faire?



Les Allemands prétendent que la Grèce pourrait quitter la zone euro, mais eux, bien entendu, ils n’envisagent absolument pas de la quitter, car la zone euro et l’euro leur sont extrêmement profitables, au détriment des autres pays, dont la France.
Explication, par un petit retour au mark : le mark fort autrefois pénalisait la France et était favorable à l’industrie allemande. En effet, à l’époque, la France, obligée de s’accrocher au mark par les gouvernements socialistes de la rigueur, payait d’un surcoût d’intérêt les emprunts, et surtout surpayait les machines allemandes qui lui étaient facturées en marks : la France n’avait pas le choix, il fallait bien qu’elle achète des machines pour produire ; plus les machines allemandes étaient chères à cause du mark, plus les Allemands gagnaient d’argent ; et plus ils investissaient dans leur machines. En même temps la force du mark les obligeait à des efforts de qualité, ce qui fait que leurs machines se vendaient d’autant mieux.

Et les choses n’ont pas vraiment changé après l’euro. Aujourd’hui, les Allemands fabriquent toujours des machines, mais ils les font fabriquer en partie dans les ex pays de l’Est. Comme ce sont des pays qui ne sont pas de la zone euro, les Allemands, avec l’euro fort, ont un énorme avantage comparatif à le faire. En plus, ils achètent des composants hors zone euro pour les intégrer à leurs produits, et comme l’euro est cher, ils les payent bon marché. Au total, les Allemands revendent à la zone euro (à la France donc) des produits qu’ils ont simplement achetés hors zone euro — 20% des exportations allemandes (20%, c’est pas rien) — et en plus ils revendent à la France, des composants qu’ils ont incorporés dans des produits made in Germany (25% des exportations allemandes). Donc vous avez 45% des exportations allemandes qui sont fondées sur l’euro fort et qui pénalisent la France.

Et c’est pas tout. C’est un phénomène qui va croissant. En 1995 cela représentait seulement 30% des exportations allemandes, 40% en 2000, et 45% en 2010. Et ça peut continuer. Les Allemands plument les pays hors zone euro pour fabriquer, et plument ensuite les pays de la zone euro pour vendre. C’est un système assez génial.

Ça peut durer longtemps. Jusqu’à ce que les pays de la zone euro sauf l’Allemagne soient étranglés, soient réduits à l’Etat de la Grèce, ce qui peut aller assez vite pour certains ; et jusqu’à ce que les Allemands de l’intérieur protestent, car ce système ne peut fonctionner qu’avec une rigueur salariale. Il ne faut pas que le petit double jeu « j’achète pas cher je vends cher » soit perturbé par des hausses de salaires.

Tandis que si l’Allemagne quitte la zone euro, le mark est somptueusement réévalué, et la comédie est finie, les pays de la zone euro ne sont plus étranglés par l’étau allemand. Mais bien entendu ce serait une crise politique terrible. L’Allemagne a-t-elle envie de cette terrible crise politique, qui l’excluerait de l’Europe ? Ce n’est pas sûr du tout. Peut-être ce coup de poker est-il à jouer.

Bernard Maris.

[Sylphide]

Les Allemands prétendent que la Grèce pourrait quitter la zone euro, mais eux, bien entendu, ils n’envisagent absolument pas de la quitter, car la zone euro et l’euro leur sont extrêmement profitables, au détriment des autres pays, dont la France.

Ne jetons pas la pierre à l'Allemagne. La monnaie unique est la volonté des français, qui pensaient justement combler leurs difficultés en renforçant leur monnaie "fluctuante". Les allemands ont accepté de rentrer dans la zone euro si seulement la monnaie unique était indexée sur l'ancien mark. Pour ne pas perdre un allié de poids, on a accédé à leur demande. Les allemands ont adopté une politique de rigueur budgétaire (logique à la vue de leur histoire), ce qui contraste amplement avec les autres pays européens. Il va de soi qu'ils ont creusé leur avantage sur l'indexation de la monnaie unique à leur besoin. Par contre, il leur revient de tirer les autres pays vers le haut, ce qu'ils ne supporteront pas indéfiniment.